Observatoire des Saisons

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Le 16 mars 2020, par admin

Quelle est la variabilité des dates phénologiques observées entre observateurs ?

 

Quelle est la variabilité des dates phénologiques observées entre observateurs ? C’est une question que vous vous posez souvent, et à juste titre !

L'origine de l'erreur

Toute observation ou mesure, qu’elle soit réalisée par un être humain ou un instrument, est sujette à l’erreur. L’origine de l’erreur peut être variée et elle est souvent liée à nos capacités physiques (qualité de nos organes sensoriels, dans notre cas essentiellement la vue) et mentales (traitement cérébral de l’information collectée par nos organes sensoriels), mais aussi à notre compréhension et notre interprétation du protocole d’observation.

Estimer l'erreur

L’erreur que peut faire un observateur sur une observation phénologique n’avait jusqu’ici jamais été estimée. Cela nécessite en effet de disposer d’observations réalisées sur un même individu au même moment par plusieurs observateurs différents. C’est typiquement ce qu’un enseignant pourrait obtenir en faisant observer les mêmes arbres par ses élèves au même moment mais en situation d’examen, c’est-à-dire sans que les élèves échangent entre eux au moment de l’observation pour ne pas s’influencer les uns les autres (avis aux amateurs !).

Les chercheurs du SOERE TEMPO ont, au fil des années, collecté des observations qu’ils ont analysées pour estimer l’erreur d’appréciation que pouvait faire un observateur en moyenne*. Chaque année ou presque depuis 2007, ces chercheurs se réunissent pour des journées de formation et d’intercalibration à l’observation phénologique sur des arbres. Ces journées ont lieu à chaque fois dans une région différente.

Les sessions d’intercalibration se déroulent de la façon suivante :

  •  - Une trentaine d’arbres appartenant à différentes espèces sont repérés sur le terrain.
  • - Les participants (12 à 25 personnes) à l’intercalibration se retrouvent le même jour pour noter au même moment le stade phénologique de chaque arbre sans interagir entre eux.
  • - Les observations sont collectées à la fin de l’exercice et sont ensuite comparées entre elles.

 

 Journées d’intercalibration du SOERE TEMPO 2015 au Bois de la Valmasque (06).

L’analyse de ces données a révélé que l’erreur faite sur la date de débourrement par l’observateur était en moyenne de 5 jours alors que celle faite sur la date de coloration des feuilles était en moyenne de 10 jours.


 

Estimations du pourcentage de bourgeons montrant au moins une feuille déployée (a) et du pourcentage de feuilles ayant changé de couleur (b) chez un observateur sous-évaluant (bleu), un observateur moyen (noir), et un observateur surévaluant (orange) ces pourcentages.

Comprendre l'erreur

La taille de ces erreurs peut paraitre importante, en particuliers pour la coloration des feuilles. Cela est dû au fait que ces stades phénologiques chez les arbres doivent prendre en compte ce qui se passe à l’échelle de l’ensemble du houppier de l’arbre qui peut être très volumineux. L’erreur d’observation sur le stade BBCH 10 (première feuille déployée) est, elle, inférieure à 1 jour. Malheureusement ce stade n’est pas assez informatif pour comprendre le fonctionnement de l’arbre. La différence d’erreur entre la date de débourrement et la date de coloration des feuilles s’explique par le fait que l’œil humain est plus performant pour apprécier des changements de formes que des changements de couleurs.

La taille de ces erreurs ne remet pas en cause la fiabilité des données et leur utilité. En effet, elle est à relativiser par rapport à la variabilité qui existe d’une année sur l’autre et d’une région à l’autre, qui sont toutes deux supérieures à 10 jours. Enfin, il faut savoir qu’il existe des méthodes statistiques qui permettent de prendre en compte dans les analyses l’effet de l’observateur sur les données collectées.


 

Réduire l'erreur

Afin de diminuer l’erreur d’observation faite sur la date de coloration des feuilles, les chercheurs du SOERE TEMPO sont en train de mettre au point une échelle de couleurs de référence pour les principales espèces d’arbres à feuillage caduc. Cette échelle de couleurs de référence permettra de mieux évaluer le pourcentage de feuilles sur le houppier de l’arbre qui seront de la couleur de référence définie pour l’espèce.


 *Travail de thèse réalisé au laboratoire ESE (Univ. Paris-Saclay, Orsay) par Guohua Liu et encadré par Nicolas Delpierre. Ce travail a donné lieu à la publication en préparation Liu et al. Quantifying the uncertainty of phenological observations due to the variability among observers and tree population sub-sampling.

 

Une autre étude

 

A travers le programme Phenoclim, le CREA Mont-Blanc a également travaillé sur ces variations entre observateurs : retrouvez l'étude ici.