Observatoire des Saisons

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Le 25 mai 2023, par admin

Pourquoi le réchauffement climatique augmente-t-il les dégâts de gel sur la végétation ?

 

Dégâts de gel sur le hêtre (Lagarde, 2016) 

Chaque année, le gel s’invite sur la métropole française au printemps. Il avait déjà fait des dégâts massifs en 2021, 2020, 2017 et 2016. Ces gels de printemps touchent en particuliers la vigne et les arbres fruitiers, malheureusement pour nos viticulteurs et arboriculteurs, mais ils ont touché aussi les arbres forestiers en 2017 et 2021. Pourquoi, alors que les températures augmentent globalement, la végétation semble plus vulnérable au gel maintenant qu’avant ? 

Les gels de printemps, aussi appelés gels tardifs, sont des événements la plupart du temps fugaces. Bien que le nombre de jours de gel sur l’ensemble de l’année a diminué depuis 1960 dans la plupart des régions de France (jusqu’à 7 jours dans le Massif Central) à l’exception des bordures littorales (http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/climathd), des gelées printanières peuvent encore avoir lieu et il suffit d’une seule nuit en dessous de -3 à -5°C pour dévaster les cultures. 

La susceptibilité des bourgeons, des feuilles et des fleurs au gel dépend en grand partie de leur état de développement. Les bourgeons, lorsqu’ils rentrent en dormance à l’automne (voir Lettre de Printemps 2018) acquièrent progressivement une capacité à résister à des températures négatives. Leur niveau de résistance peut atteindre très facilement -30°C au cœur de l’hiver, voire davantage (Figure 1). Pendant la phase de dormance hivernale les bourgeons peuvent ajuster leur niveau de résistance en fonction des conditions de températures.

Figure 1. Variation du niveau de résistance au gel de bourgeons de différentes espèces poussant à Clermont-Ferrand selon que ces espèces soient de (a) haute montagne : noisetier (C. avellana), bouleau (B. pendula), pin sylvestre (P. sylvestris), hêtre (F. sylvatica), érable (A. pseudoplatanus), (b) basse montagne : tilleul (T. cordata), chêne pédonculé (Q. robur), ou (c) plaine : charme (C. betulus), noyer (J. regia), prunier cerise (P. cerasifera), robinier (R. pseudoacacia). Figure extraite de Charrier et coll. 2013 Tree Physiology 33, 891–902.

Mais dès lors que la dormance est levée et que les bourgeons reprennent leur développement, leurs tissus se réhydratent progressivement et leur résistance au gel diminue alors progressivement jusqu’au stade du débourrement et de la sortie des feuilles du bourgeon, stade auquel les tissus des feuilles sont les plus vulnérables au gel (Figure 2). A ce stade, les feuilles ne peuvent résister à des températures inférieures à -3 ou -5°C selon les espèces. Après ce stade, les feuilles acquièrent une résistance légèrement supérieure. C’est pourquoi, selon les printemps gélifs ce ne sont pas toujours les mêmes arbres qui sont endommagés, cela peut être les plus précoces si le gel arrive au début du débourrement de la population ou les arbres les plus tardifs si le gel arrive à la fin du débourrement de la population, les arbres les plus précoces ayant ce moment des feuilles plus développées légèrement plus résistantes que celles des arbres précoces à ce moment-là.

Figure 2. Evolution de la dormance des bourgeons et de leur tolérance au gel au cours de l’année. Les gels tardifs sont indiqués en pointillés. D’après Charrier (2011) Mécanismes et modélisation de l’acclimatation au gel des arbres, Thèse de doctorat de l’Univ Blaise Pascal.

Pourquoi la végétation est-elle plus sensible au gels tardifs maintenant qu’avant ? 

L’augmentation des températures a jusqu’ici accéléré le développement des bourgeons après la levée de la dormance car plus il fait chaud à ce moment-là plus la croissance cellulaire est rapide. C’est l’action cumulée sur plusieurs jours d’une température un peu plus élevée en moyenne qui amène les bourgeons à éclater plusieurs jours voire plusieurs semaines maintenant qu’avant. Ce développement accéléré en fin d’hiver-début de printemps les expose à des épisodes de gel tardifs qui peuvent encore arriver, en avril notamment. Les dommages de gel printanier ces dernières années sont liés au réchauffement climatique. 

Quelles sont les solutions ? 

Les moyens d’action pour lutter et s’adapter aux dommages de gel sont multiples pour les espèces cultivées. En revanche, pour les arbres forestiers, il n’y a rien que l’on puisse faire. L’INRAE a mis en place un dispositif de suivi de la phénologie des espèces fruitières (https://www.inrae.fr/actualites/quand-arbres-fruitiers-perdent-nord-subissent-froid) afin de revoir la sélection variétale pour les conditions climatiques futures, la précocité de la floraison étant un caractère déterminant pour l’adaptation des fruitiers à ces conditions. Avant de pouvoir cultiver des variétés mieux adaptées aux conditions actuelles et futures, les actions de luttes passent par la plantation de haies, qui au-delà de leur rôle vertueux pour la biodiversité et la richesse des sols, permettent également de protéger les cultures contre le gel, ou des actions ponctuelles comme l’aspersion ou le feu pour augmenter de quelques dixièmes de degrés la température de l’air des parcelles lors des épisodes de gel.