Observatoire des Saisons

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Le 13 novembre 2025, par admin

Quand les saisons se rencontrent : retour sur les journées du réseau TEMPO

Comment les équipes scientifiques utilisent-elles les données que vous saisissez via l’Observatoire des Saisons (ODS) ? Quelles questions se posent-elles autour de la phénologie ? Et quand paraîtront les prochains articles scientifiques issus de ces observations citoyennes ? Du 13 au 17 octobre, le réseau TEMPO a réuni à Toulouse différents acteurs travaillant sur la phénologie. Iñaki Garcia de Cortazar-Atauri, Isabelle Chuine, et Frédéric Jean, coordinateurs de ce réseau mettent un point d'honneur à accueillir les équipes d'experts et de scientifiques dans toute leur diversité. En effet, la recherche ne se composant pas uniquement de chercheurs et chercheuses, se sont tous les corps de métiers avec une expertise en phénologie qui sont conviés à ces rencontres. A Tela Botanica, nous y participons pour notre expertise à l'interface entre recherche académique et société civile. Au programme, présentations de travaux scientifiques, ateliers collaboratifs, discussions de terrain et échanges entre experts autour d’un objectif commun : affiner nos connaissances sur la manière dont les rythmes saisonniers des plantes et des animaux réagissent face aux variations saisonnières et aux changements climatiques. Pour ces journées 2025, les membres du réseau TEMPO étaient accueillis par la Météopole à Toulouse.

 

Vert pâle ou jaune canari ?

Lundi, 14h. Une question sur toutes les lèvres dans la salle : « De quelle couleur est cette feuille ? ». C’est le point de départ d’un atelier qui durera jusqu’à mardi midi : l’intercalibration de la sénescence des feuilles.
Quand on travaille sur la phénologie végétale, la couleur devient un vrai sujet de recherche. Quelle teinte permet de dire : « Ce fruit est mûr » et « Celui-ci ne l’est pas » ? Prenons l’exemple de l’abricotier (Prunus armeniaca). Le fruit grossit, atteint sa taille maximale, puis passe progressivement du vert à l’orange. Mais quelle nuance d’orange indique réellement sa pleine maturité ?
De la même manière, pour caractériser la sénescence d’une feuille, autrement dit, son changement de couleur, à partir de quelle teinte peut-on affirmer que la feuille est entrée en sénescence ? Du vert tendre au jaune clair, la frontière est souvent subtile. Et que faire lorsque la feuille présente plusieurs couleurs ? Faut-il observer la teinte dominante, celle de l’extrémité ou du centre ? Faire une moyenne de l’ensemble ?

Si vous ne vous étiez jamais posé ces questions, sachez que les équipes scientifiques, eux, y ont consacré un peu moins de dix heures en ce début de semaine.
Une partie du travail se déroule sur le terrain bien sûr : tels des observateurs des saisons, ils évaluent les stades de sénescence, 10 % ici, 75 % là-bas et testent de nouveaux outils d’observation.
Même pour les spécialistes, déterminer le pourcentage de sénescence (ou de feuillaison, floraison, fructification) n’est pas chose aisée. C’est pourquoi nous insistons souvent sur le “environ” dans ces estimations : il ne s’agit pas de compter une à une les feuilles qui changent de couleur, mais d’évaluer une tendance globale.

Mais alors, pourquoi passer autant de temps à distinguer le vert bouteille du vert chartreuse ? L’objectif est double : obtenir des mesures les plus précises possibles et surtout harmoniser les observations pour qu’elles soient comparables. Si l’observateur A considère qu’une feuille commence sa sénescence à une teinte encore très verte, tandis que l’observatrice B l’estime à un jaune prononcé, les résultats seront difficilement comparables, même s’ils étudient la même espèce.
Vous l’aurez compris : ce travail d’intercalibration est à la fois essentiel et fastidieux, mais il garantit la fiabilité et la cohérence des données de recherche.

 

Des ateliers par ci et des atelier par là

Le mardi, place aux ateliers ! La journée commence par un atelier collectif consacré aux protocoles “Maturation des fruits”. Mais concrètement, que se passe-t-il pendant ces moments d’échange ?
Le but est avant tout de discuter et de partager les expériences. Si une personne s’interroge sur un protocole, il y a fort à parier qu’une autre s’est déjà posé la même question. Ensemble, les participants confrontent donc leurs domaines d’expertise, leurs méthodes et leurs résultats pour faire émerger des solutions communes. Ces discussions permettent à chacun de s’inspirer de l’expérience collective afin d’adapter et harmoniser les outils de recherche.
La science n’est jamais l’affaire d’une seule personne. Que ce soit en laboratoire ou en congrès, le travail de groupe occupe une place essentielle. Ces ateliers sont aussi l’occasion de créer des liens entre chercheurs et chercheuses, de trouver des collègues ayant des expertises complémentaires, de définir les prochaines étapes d’ici le prochain séminaire, et de présenter de nouveaux outils comme l’usage des drones ou de l’intelligence artificielle pour le suivi phénologique.

Puis, plusieurs ateliers par groupes d’intérêt ont pris le relais, notamment autour des observatoires citoyens. Quels projets sont actuellement en cours ? Lesquels viennent de voir le jour ? Quelles ressources sont les plus utiles ou, au contraire, peu utilisées ? Et surtout, comment collaborer pour concevoir des outils à la fois scientifiquement solides et accessibles aux différents publics ?

Ces ateliers, ouverts à tous, ont été particulièrement fructueux : des rendez-vous ont été pris, de nouveaux projets ont émergé, et de nombreuses idées ont vu le jour pour enrichir et faire évoluer le programme ODS, ses déclinaisons occitanes et provençales, ou encore, les projets portés par le CREA Montblanc.

 

La recherche scientifique sur la phénologie d’aujourd’hui et de demain

Impossible de participer à un congrès scientifique sans passer par les présentations des travaux en cours ! Lors de cette session, chaque orateur et oratrice disposait de 5 à 15 minutes pour présenter ses dernières publications, ses résultats intermédiaires ou ses projets à venir.

Voici un aperçu de quelques interventions marquantes :

- Phénologie et approche écosystémique : le cas de la myrtille dans le massif du Mont Blanc– Ninon Fontaine

- Méthode d’observation de la phénologie foliaire par caméra numérique en site forestier – Frédéric Jean

- Charte Munsell et capture couleurs sur le chêne pubescent l’O3HP – Jean Philippe Orts

- Aux Arbres Citoyens ! – Colin van Reeth

- Présentation du projet Serpheclim qui produira un service phenoclimatique en ligne libre et gratuit – Romy Sabathier

- Visualisation analytique des données du portail de données phénologiques du réseau TEMPO – Olivier Maury

- Présentation du projet FAGRESCUE – David Sheeren et Michel Tarby

- Identification des variants adaptatifs du Hêtre commun à l’échelle européenne : le projet Pangenome beech – Pauline Jitten

- Compromis entre besoin en froid et de chaleur pour le développement des bourgeons– Capucine Jorant

- Etude métabolomique de la dormance chez des espèces pérennes – Bénédicte Wenden

L’Observatoire des Saisons (ODS) a également été présenté ainsi que d’autres programmes de sciences participatives.

 

Toute une équipe derrière un formulaire

Depuis quelques années déjà, nous lançons sur ODS des appels à observation d’anomalies phénologiques : floraisons et feuillaison en automne voire en hiver, sénescence précoce … Pour cela, un formulaire en ligne est disponible, mais il est encore en évolution. Lors des journées du réseau TEMPO, un atelier dédié a permis aux participants de réfléchir à son amélioration.
Les discussions ont porté sur des questions essentielles : les formulations sont-elles claires ? Les termes employés sont-ils compris de tous ? Y a-t-il trop de questions ou au contraire pas assez ? Ce travail collectif a permis d’apporter des nuances précieuses et de soulever des points auxquels on n’aurait pas forcément pensé.

Mais comme Rome ne s’est pas construite en un jour, le questionnaire parfait n’a pas été créé en un atelier de deux heures. Il continuera d’évoluer au fil du temps et avec vos retours.

 

Conférence à la médiathèque de Tournefeuille

La journée s’est achevée par une conférence ouverte au public à la médiathèque de Tournefeuille, intitulée « Quels paysages en Occitanie en 2050 ? ».
Animée par Iñaki Garcia de Cortazar-Atauri (INRAE), Isabelle Chuine (CNRS), Aurélie Froger (Tela Botanica) et Frédéric Jean (INRAE), cette rencontre a exploré les impacts du changement climatique sur la biodiversité et l’agriculture, mais aussi la place de la société civile dans la recherche à travers des programmes participatifs comme l’Observatoire des Saisons (ODS) ou Cormier CO3.

La conférence s’est conclue sur un échange riche avec le public, notamment autour des initiatives locales déjà en place dans la région.

Au-delà des présentations et des ateliers, ces quelques jours ont surtout été l’occasion de tisser des liens, de faire émerger de nouvelles collaborations, d’avoir un aperçu des questionnements scientifiques en cours et de renforcer les passerelles entre science et société. Car c’est bien là toute la richesse des programmes participatifs comme l’Observatoire des Saisons (ODS) : permettre à chacun, quel que soit son niveau, de devenir acteur de la recherche et de contribuer concrètement à la production de savoirs sur le changement climatique.

Les discussions, les échanges d’idées et les projets initiés pendant ces journées annoncent une année 2026 pleine de perspectives, avec toujours le même objectif : mieux comprendre les rythmes du vivant pour mieux accompagner la transition agroécologique et l’adaptation aux changements climatiques.